Les éditions le Délirium

mardi 31 janvier 2012

Extrait


                                                                 Caravage - Le concert



TEMPS ET MÉTADÉDALES

La métaphore architecturale le suggère : les détours sont à ce point consubstantiels des dédales que, pour résoudre ceux-ci, il faut se résoudre à ceux-là. Les labyrinthes prononcent le divorce entre le géographique et le topologique, entre contiguïté et proximité de l’issue, entre voisinage dans l’espace et imminence dans le temps de la résolution. 

Dans les termes de notre modèle, il faut intégrer les détours qui intiment de distordre et distancier nos êtres pour à terme mieux les harmoniser et réunir. Un musicien qui répète ses gammes ne le fait souvent qu’à regret, contre ses aspirations du moment et dans l’espérance d’exceller plus tard. À l’instant t, son dédale est accru mais c’est dans le but de le réduire en t+1. L’horizon temporel est donc décisif dans la modélisation. 

Cette indication nous invite à établir deux points : 1) l’identité du sujet qui met en abîme ses êtres dans l’histoire ; 2) un méta-dédale ou dédale des dédales qui imbrique les distances des êtres dans le temps et qui, en définitive, est le véritable enjeu de la minimisation.

Extrait de Fragments de Mathématiques Existentielles page 54



Vous conviendrez qu'à travers cet extrait, sans la démonstration théorique complète et sans aucune formule mathématique pour venir illustrer le propos de Laurent Derobert, vous ne pourrez pas vous faire une idée concrète du contenu de Fragments de Mathématiques Existentielles.
Ce n'est pas un ouvrage qu'on peut lire en diagonale.
Il faut l'ouvrir et être attentif du début à la fin.
Au pire vous n'aurez rien à contester.
Au mieux vous le trouverez brillant.
Mais, dans tous les cas, vous vous interrogerez certainement !










dimanche 29 janvier 2012

Le labyrinthe en valise

News
Article de Dadoo   
Mardi, 03 Janvier 2012 18:43
Le labyrint*e en valise est un petit objet artistique créé par Estelle Delesalle, artiste, et Laurent Derobert, philosophe et mathématicien sur la proposition de Jean de Loisy, commissionnaire indépendant et président du palais de Tokyo, dans le cadre d’une exposition du Centre Pompidou de Metz appelée «Erre».





                                      Centre Pompidou de Metz, intérieur



Cette petite boite est une énigme en soi. Elle contient des cartes, mais sur les 49 annoncées, seules 48 sont présentes, la 49e étant sous forme d’un tas de cendre au fond du la boite.
De plus, chaque carte a deux faces, une où cercles et symboles fleurissent et l’autre mouchetée de points qui semblent bien ne pas avoir été mis là par hasard. Une véritable énigme plus mystérieuse encore quand tout laisse penser à un simple jeu de cartes, mais dont les règles n’existent pas...






erreUn concours ?

Le Centre Pompidou propose un grand concours spectaculaire en invitant les participants à créer la règle. Celle-ci sera soumise à un jury composé d’artistes, de littéraires et de professionnels du jeu. Trois prix seront remis aux choix du jury : Au premier un voyage en Grèce, au second en Espagne et pour le troisième un voyage en montgolfière au dessus de la vallée de Metz.




Quels critères ?


« Chaque participant est invité à formuler un principe de jeu du Le labyrinthe*e en valise *(h)». Voici la seule limite demandée. Le support, la taille de la règle, l’utilisation du matériel, tout est soumis à votre propre interprétation. Le mot jeu est-il juste ludique ? La règle est-elle un système ? Peut-on envoyer une vidéo ou un tableau au lieu de papier ? Au final, laissez libre court à votre sensibilité et proposez votre vision du jeu.

Où trouver la boite ?
Beaucoup de sites de vente sur internet proposent déjà la petite boite aux alentours de 10€, mais si vous préférez, le site internet du centre Pompidou propose des versions à télécharger gratuitement, parfaitement utilisables pour la création.

Comment participer ?
Envoyez votre proposition au centre Pompidou de Metz avant le 6 février 2012. Toutes les modalités sont dans le règlement du concours téléchargeable sur le site du Centre Pompidou.



Le Labyrint*e-en-valise *(h) (sic) est un jeu de cartes énigmatique dont l’usage et le mode opératoire semblent avoir été irrémédiablement perdus.
Un fac-similé dudit jeu a été édité à l’occasion de l’exposition « Erre ». La gageure est que chaque détenteur d’un exemplaire tente de lui redonner vie, d’élaborer des hypothèses de règles afin de pouvoir en réactiver le sens.
Ici même, l’éventail des images divinatoires qui s’offre à nos yeux sous une forme éclatée pourrait être celui d’un mystère entre deux êtres, celui qui va de la naissance jusqu’à la mort de l’amour – jaillissement du sang dans la pensée, éblouissement dans le regard, déchirure ouvrant sur l’étendue de la mémoire.
L’épreuve du désir qui régit les moulins de nos cœurs se dessine exactement au point sublime de la rencontre, s’intensifie au moment de l’étreinte pour s’abîmer ensuite dans le vertige de la séparation. Élans, gestes et choses du sentiment deviennent ici les lames d’un jeu de bataille dédié au dédale de tout un chacun. Il s’agit donc de proposer un axiome à la consolation de l’âme dans les yeux en partant d’un manque à être, d’une présence en moins dissimulée au centre de ce jeu à réinventer.
Ce qui nous reste, en guise de véhicule accidenté du triomphe de l’Amour, c’est une boîte vide – devenue le simple réceptacle d’une odeur insistante de brûlé – accompagnée d’un empilement de cartes singulières sans ordre apparent avec, pour toute information, une liasse de documents retrouvés : pages déchirées de carnets, images talismaniques, fragments de mathématiques existentielles et autres figures hiéroglyphiques...
Ce jeu impossible sera également présent au sein de l’exposition comme un vortex générateur de manifestations du labyrinthe de l’Amour.
Le tourbillon s’étendra progressivement à l’échelle de la ville de Metz, au fil des traces et des réponses aux traces qui seront proposées par et pour les visiteurs.


Source :

Site Centre Pompitdou de Metz :
http://www.centrepompidou-metz.fr/ 

vendredi 27 janvier 2012

Équations philosophiques et poétiques


                                                                 


Entre philosophie et mathématiques, Laurent Derobert propose une modélisation de l’identité du sujet. Un langage universel - les maths - associé à des haïkus, pour parler de nos états d’êtres. A chaque équation, sa dimension poétique : amplitude des errances de l’être rêvé… Indice d’élasticité éthique… Force d’attraction de l’être rêvé… Inconstance de l’altruisme… Fort d’un parcours universitaire riche - Hypokhâgne et khâgne à Lyon, licence de philosophie et maitrise de sciences économiques à Aix-en-Provence, doctorat de sciences économiques - Laurent pose ici les bases d’une mathématique de l’être. Ce cultivateur d'idées nous emmène sur des rivages que nous n’aurions même pas imaginé…

La voix impertinente


Source :

dimanche 22 janvier 2012

Comment optimiser son dédale ?

Le 18 octobre 2010, par Thierry Barbot


Professeur, Université d'Avignon (page web)



Peut-être certains d’entre vous, lors d’une visite à Avignon, ont remarqué avec grande surprise lors de son entrée au délirium, lieu notable de concert, certaines formules, comme par exemple :


vlˆmoy=1TT0(dlˆdt)dt




Vitesse moyenne de fantomisation de l’être rêvé



ou encore :



ζΛ=1TT0[Λ(t)Λmoy]2dtΛmoy




Degré d’inconstance du dédale
                                              




















N’est-ce pas intrigant ? Ceci est d’autant plus étonnant que le délirium est, je cite [1] le site sus-cité de la cité des Papes : Haut lieu insolite et baroque du cœur d’Avignon, le Delirium est un salon culturel et artistique qui distille de la musique vivante du crépuscule à 2h.
La description est certes un peu flatteuse, mais je la trouve adéquate, et j’assumerai mon avis subjectif. Et j’irai même plus loin en ajoutant les qualificatifs de charme, voire même, dans mes bons jours bienveillants et sans grande exigence de froide lucidité, merveilleux. Voilà pour ce qui en est de mon jugement objectif.
On pourrait penser au premier abord qu’il ne s’agit là que d’un simple clin d’œil, un artifice de décoration utilisant l’indéniable esthétique propre aux mathématiques. Il est déjà beau et rare qu’un lieu à vocation multi-culturelle affiche avec éclat et majesté les belles sinuosités des intégrales et le rite incantatoire de l’égalité.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Ces formules n’ont pas qu’une simple vocation décorative : elles sont extraites d’un traité de mathématiques existentielles . Le premier volume de ce traité, intitulé Fragments de mathématiques existentielles a été publié cette année aux éditions du Délirium. On peut même télécharger pour quelque temps ce texte au format pdf sur le site de l’université populaire d’Avignon.
De quoi s’agit-il ?
Entendons-nous bien, il s’agit avant tout de poésie. Alors que pour diffuser l’univers mathématique, l’habitude est de tenter d’exprimer la matière des mathématiques dans le langage de tous les jours ; les mathématiques existentielles utilisent au contraire le langage des mathématiques, ses formules, énoncés, théorèmes et conjectures, pour parler des questions de tout un chacun. Et non pas des questions les plus triviales, mais les plus profondes : sentiments, amour, dépit, et bien d’autres questions d’ordre véritablement existentielles.
Le point de départ des mathématiques existentielles consiste à définir une certaine quantité Λ [2], le dédale :

  Λ=k1[α1.(l˜,lˆ)+β1.(lˆ,lˉ)+γ1.(lˉ,l˜)]+k2[α2.(L˜,Lˆ)+β2.(Lˆ,Lˉ)+γ2.(Lˉ,L˜)]

Les trois quantités l˜, lˆ, lˉ forment les trois composantes de l’ être l : la composante vécue, rêvée et réelle. Il en est de même pour les composantes du monde :
L=L˜LˆLˉ
Chaque mise en parenthèse désigne la distance entre les composantes. Par exemple, (l˜,lˆ) est la distance entre l’être rêvé et l’être réel, et le coefficient de pondération α1 [3] est le coefficient de plaisir . Parmi les autres coefficients de pondération, dits éthiques , nous retrouvons le coefficient k1 d’égoïsme et le coefficient k2 d’altruisme.
Le dédale Λ mesure donc une sorte d’entropie de l’état existentiel, une mesure du désordre, qu’il va s’agir donc d’optimiser ; en premier lieu, de minimiser bien sûr.
Il y a plusieurs stratégies pour se faire, étudiées dans le traité. On peut aussi mesurer les vitesses avec lesquelles s’éloignent où se rapprochent les diverses composantes : on parle alors de vestales. L’ouvrage se consacre avant tout dans un système de valeurs occidental classique, où tous les coefficients éthiques sont positifs - mais la cas du dédale de Sade, où le coefficient d’altruisme est négatif, est quand même brièvement considéré.
Un chapitre entier est consacré au cas des modèles passionnels, où le monde L est réduit à la personne aimée l. S’y produit un intéressant phénomène de dualité. Mentionnons quelques propositions fondamentales de la théorie, telles : Toute expérience poétique accroît le domaine des êtres possibles ou encore la placidité du monde réel tempère le vestale du réal-altruiste. Un lemme central est celui de Rimbaud : lorsque le vestale passe au-dessus du plafond de Rimbaud, l’explosion du dédale est quasi-certaine. Je ne développerai pas le Théorème de Térence, ni n’énoncerai deux conjectures importantes de la théorie : celle de Verlaine et celle d’Yseut.
Sans doute certains lecteurs grommellent déjà des imprécations sourcilleuses. Je ne crois pas que l’auteur lui-même, Laurent Derobert, cofondateur du Délirium, aura des objections trop véhémentes si ces lecteurs qualifient d’« élucubrations » la matière de son œuvre. Mais la puissance poétique de la démarche est réelle. L’auteur présente régulièrement ses « idées » lors de conférences grand public, avec un succès certain, suscitant le rire et l’émotion troublée du public. Ces conférences ressemblent étrangement à un véritable exposé scientifique, mais où cette fois-ci le public tout-venant éprouve la sensation de comprendre profondément la portée des théorèmes et démonstrations, et être concerné au plus profond de son être.
Un grand bravo à cette démarche littéraire et théâtrale novatrice, qui, je l’espère, charmera tout autant que moi les lecteurs d’Images des Mathématiques.

Notes

[1et avec félicité !
[2Il s´agit ici de la lettre grecque « lambda », en majuscule...

jeudi 19 janvier 2012

Probable explosion du dédale



Paru dans la revue MOUVEMENT  :

En regard des « mathématiques de l’avoir »
de l’économie, en fonder une « de l’être ».
Laurent Derobert, dans ses mathématiques
existentielles, utilise intégrales, dérivées
et limites pour façonner des concepts précis.
Ainsi formulés, ils deviennent universels.
Les références aux formules newtoniennes
et au calcul différentiel honorent tout autant
la vacuité du symbole mathématique que
sa force conceptuelle.
Pour autant c’est bien du sujet singulier dont
il est question. Prenant au pied de la lettre
l’enseignement de Protagoras, Derobert fait
de l’homme la mesure de toute chose. Il
appartient à chacun de définir les êtres
(rêvés, vécus, réels) que nous sommes ou
qui habitent notre monde et les distances
qui les séparent. Le problème paradigmatique
consiste à minimiser son dédale, somme
pondérée des distances entre les êtres du sujet
et du monde. Une telle structure intéresse
autant mathématiciens et physiciens (qui 
participent à un second tome sur le sujet)
que psychologues et sociologues. Elle rompt
avec les concepts topologiques usuels d’une
distance conçue absolument sur un ensemble
(alors appelé espace métrique), et offre ce
qui ressemble à une science du soi par soi,
porteuse d’une ouverture sur la question
de la scientificité de la psychanalyse.
La conception de théorèmes repose sur
l’analyse d’expériences personnelles recueillies
au cours d’entretiens pour « précipiter dans
une formule » la singularité de l’individu. Nos
tendances masochistes, notre schizophrénie,               Verlaine et Rimbaud - Henri Fantin
nos envols icariens prennent la forme                          Latour- Un coin de table - Détail -
d’égalités, d’inégalités ou de systèmes                        Musée d'Orsay - Paris
d’équations. Notre passion réduit le monde
extérieur à un être aimé. La variable d’Ariane
lie l’amour porté et l’amour reçu et
conditionne notre bonheur. La forme
symbolique est un squelette, il appartient à
chacun de nous d’en sculpter la chair. Laurent
Derobert nous raconte une histoire, la nôtre :
« Ce sont des mathématiques expressives voire
peut-être expressionnistes, qui n’ont rien d’explicatives
ou de prédictives. » La formule interrompt
le verbe (qu’on sache ou non la lire) et invite
à l’introspection et à l’imagination. Chacune,
accompagnée d’un sous-titre, se présente
sous la forme d’un Haïku : « vitesse de
fantômisation de l’être », « enchevêtrement
des dédales passionnels », « force d’attraction
de l’être rêvé ». Notre dédale manque toujours
son minimum et navigue entre le seuil de
Verlaine et le plafond de Rimbaud. Au-delà
des limites de la poésie, « l’explosion du dédale est
très probable ».
En choisissant de projeter sept formules
dans le cellier du Collège des Bernardins,
Alain Berland (Chargé des arts plastiques) rend                   collège des Bernardins
compte de cette « émouvante mathématique ».
L’exposition prend la forme d’un « parcours
méditatif, en face des salles de cours où la pensée
s’effectue, conduisant à la bibliothèque où la pensée
se conserve », suggère-t-il.
L’être, sous la plume de Derobert, s’incarne
dans des formules et leur donne un sens
étonnamment poétique. La rencontre entre
sa philosophie et les mathématiques passe
ainsi par une substitution conceptuelle dans
ce langage scientifique laissé intact.


Extrait de l'article "Singularité universelle" de Matthias Cléry dans le dossier " l'art met la science en jeu", in MOUVEMENT n° 62 (janvier-mars 2012).


Revue Mouvement :